Environnement, sol et repousse de flore
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Les méthodes
La Loi Responsabilité Environnementale (LRE) de 2008 introduit un nouveau cadre de responsabilité environnementale dans le droit français. Tout exploitant responsable d’un dommage doit réparer les dégâts occasionnés en nature, c’est-à-dire en identifiant et en menant lui-même les actions de réparation. La compensation financière en est exclue.
Dans le cadre des mesures de réparation complémentaire et compensatoire, la LRE préconise l’utilisation des méthodes d’équivalence.
Le principe de ces méthodes est de compenser, par équivalence physique, un dommage causé par une pollution accidentelle affectant les ressources naturelles et les services écologiques fournis par les espaces et les espèces protégés, les sols et les eaux.
L’exigence de réparation en nature peut poser des difficultés pour dimensionner les programmes nécessaires à la réparation. Ainsi, les méthodes d’équivalence permettent de déterminer et d’évaluer la taille du projet nécessaire à la compensation intégrale des pertes en ressources et services résultant du dommage. Elles permettent de fournir des ressources et/ou des services endommagés de même quantité, de même qualité et de même type que les ressources et/ou services initiaux.
On distingue deux méthodes d’équivalences :
- La méthode HEA : Habitat Equivalency Analysis (ou méthode service-service) qui établit une équivalence service-service.
Cette méthode est utilisée pour compenser des pertes de services mais aussi de ressources. Elle se focalise sur l’habitat qui a été endommagé.
Elle s’applique préférentiellement à un écosystème complexe en termes de nombre d’espèces et de variété d’habitats.
- La méthode REA : Resource Equivalency Analysis (ou méthode ressources-ressources) qui établit une équivalence ressource-ressource.
Cette méthode est utilisée lorsqu’on cherche à évaluer et compenser les pertes de ressources.
Elle est plus appropriée dans le cas d’un écosystème comprenant une espèce endémique (localisée sur une aire restreinte), une espèce patrimoniale (rare ou protégée ou menacée) ou à un écosystème peu complexe (constitué de peu d’espèces ou de groupes d’espèces).
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Les étapes de l'analyse
Ces méthodes interviennent au sein du processus de détermination des mesures de réparation d’un dommage en 7 phases.
1/ Détermination de l’état initial du site et choix de l’indicateur
L’étape préliminaire à l’application des méthodes consiste à déterminer l’état initial du site avant l’accident et d’identifier précisément les dommages. Cela passe par le recueil des données disponibles permettant de déterminer le niveau d’état initial de la ressource ou du service affecté par le dommage.
A partir des données collectées, il est possible de choisir l’indicateur utilisé pour l’analyse. En effet, ces méthodes ne passant pas par l’utilisation d’indicateurs monétaires, elles reposent sur l’utilisation d’un proxy, c’est-à-dire un paramètre qui est utilisé comme unité de référence pour estimer l’état initial des ressources naturelles endommagées, les pertes et les gains et le dimensionnement de la réparation. Cet indicateur doit être représentatif de l’habitat ou de l’espèce.
- Pour la méthode HEA, cela peut être un indicateur biologique représentatif de l’écosystème impacté ou une espèce si elle a des liens écologiques significatifs avec les autres espèces (dans ce cas l’évaluation des pertes et des gains portera sur les services écologiques qu’elle produit). Par exemple, la couverture végétale, la présence ou la densité d’espèces critiques. Cela peut être aussi un indicateur composite : c’est-à-dire un indice composé de plusieurs ressources et/ou services. Il peut permettre de mieux prendre en compte la diversité du milieu endommagé.
- Pour la méthode REA, le proxy peut être une espèce, un nombre d’espèces, ou encore une caractéristique de l’espèce (biomasse, durée de vie etc.). Elle est utilisée de manière à pouvoir exprimer dans une même unité, et ainsi comparer, les pertes et les gains des services/ ressources.
S’en suit l’étude et la détermination de l’état initial, ainsi que l’appréciation de la nature et de la gravité du dommage au regard de l’état initial à partir de différents critères.
2/ Choix de l’approche de dimensionnement
Cette étape doit permettre de fixer l’approche de dimensionnement (la méthode à appliquer) et de déterminer les paramètres indispensables au calcul : les taux et rythme de régénération naturelle.
Le taux de régénération naturelle s’appréhende par le temps nécessaire pour revenir à l’état initial en fonction des données intrinsèques de l’écosystème affecté. Il permet, dans le calcul, de déterminer la période à laquelle l’écosystème impacté retrouve son niveau de services (ou de ressources) initial ainsi que la date à laquelle on considère que l’écosystème restauré ne procure plus de services (ou de ressources).
Une fois les projets de restauration identifiés, il est nécessaire de les dimensionner de telle sorte que les gains liés au projet soient égaux aux pertes intermédiaires issues du dommage. Le dimensionnement peut se faire dans l’espace ou dans le temps.
- Dans le cas de la méthode HEA, les projets de restauration doivent raisonner en termes de services écologiques par surface et par année. Ainsi l’unité de pertes de gains de services écologiques est l’unité « surfaces-années ». Si la surface est exprimée en hectare : les pertes de services correspondent au nombre d’hectares ne fournissant plus de services, actualisés sur le nombre d’années d’impact ; tandis que les gains correspondent au pourcentage de services obtenus sur un hectare restauré, actualisés sur le nombre d’années où les gains pourront être enregistrés.
- Pour la méthode REA, les projets de restauration doivent raisonner en termes de quantité de ressources par années. Les pertes et les gains de ressources sont exprimés dans l’unité « ressources-années », les pertes correspondant au nombre de ressources perdues durant la période d’impact et les gains au nombre de ressources restaurées par an.
3/ Dimensionnement du projet de restauration
Cette étape expose le dimensionnement du projet de restauration, qui se décompose en trois niveaux de calculs pour chaque méthode :
- le calcul des pertes intermédiaires ;
- le calcul des gains découlant du projet de restauration identifié ;
- le dimensionnement du projet de restauration issu du ratio entre pertes et gains actualisés.
Ces approches reposent sur trois hypothèses fondamentales :
- La substituabilité des ressources / services initiaux et restaurés : la valeur des ressources et services initiaux est identique à la valeur des ressources et services restaurés, d’où l’équivalence entre les pertes et les gains.
- La valeur constante des ressources.
- L’homogénéité des préférences des individus.
4/ Le calcul des pertes intermédiaires
Pour estimer les pertes intermédiaires, il est nécessaire d’avoir déterminé :
- le niveau initial de services (ou de ressources) sur le site avant le dommage ;
- le niveau de services (ou de ressources) sur le site après le dommage ;
- la perte ;
- le taux et le rythme de régénération naturelle.
Sachant que :
- Ai et Ar les surfaces (ou ressources) impactées et restaurées ;
- I l’ampleur de l’impact sur la surface (ou ressource) A_I en temps t_I ;
- R l’ampleur des bénéfices de restauration sur la surface (ou ressource) A_R en temps t_R ;
- r le taux d’actualisation ;
- T_I est la période à laquelle l’écosystème impacté recouvre son niveau de services (ou de ressource) initial ;
- T_R est à la date à laquelle on considère que l’écosystème restauré ne procure plus de services (ou de ressources).
La formule mathématique pour calculer les pertes est la suivante :
Les pertes intermédiaires actualisées se calculent année par année durant la totalité de la période d’impact (soit de l’année au cours de laquelle s’est produit l’accident jusqu’à l’année où le milieu retrouve son état initial) et s’additionnent ensuite de manière à correspondre aux pertes intermédiaires actualisées globales.
5/ Le calcul des gains
Pour estimer les gains, il est nécessaire d’avoir déterminé :
- le niveau de services (ou de ressources) sur le site après le dommage dans le cas d’une réparation in situ (les réparations complémentaire ou compensatoires peuvent être mises en œuvre sur le site endommagé (in situ) ou sur un site analogue (ex situ) ;
- ou le niveau initial de services (ou de ressources) sur le site analogue au site endommagé dans le cas d’une réparation ex situ ;
- le gain ;
- la durée de vie du projet de restauration, c’est-à-dire le moment où les bénéfices attendus seront atteints.
La formule mathématique pour calculer les gains est la suivante :
Les gains obtenus par unité restaurée se calculent année par année durant la totalité de la période d’impact (positif) du projet (soit depuis l’année de mise en œuvre du projet de restauration jusqu’à la fin de la durée de vie du projet) et s’additionnent ensuite de manière à correspondre aux gains actualisés globaux du projet de restauration.
6/ le dimensionnement du projet de restauration
Le dimensionnement du projet de restauration (ou calcul de l’équivalence) se calcule selon la formule suivante :
- Soit, pour la méthode HEA :
- Et pour la méthode REA :
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Les limites de ces méthodes
Les ressources naturelles sont ici considérées comme des actifs. Les pertes et les gains écologiques étant échelonnés dans le temps, il est nécessaire de les exprimer en valeur présente notamment pour permettre la comparaison des projets de restauration. Le dimensionnement du projet de restauration est donc sensible au choix du taux d’actualisation .
La principale limite à ces méthodes est qu’elles sont fortement dépendantes des hypothèses sur lesquelles elles reposent, et qui ne sont pas toujours vérifiables.
Il est généralement considéré que ces méthodes fournissent des résultats qu’on peut estimer fiables lorsque :
- « une origine unique à l’atteinte à l’environnement est constatée,
- les espèces rares sont peu impactées,
- les impacts sont de tailles petites à moyennes,
- la période d’impact est relativement courte,
- il existe des données sur l’état initial du site qui a été endommagé,
- un service de l’habitat est touché,
- un service similaire peut être créé ou amélioré sur un autre site,
- la période de restauration compensatoire est relativement courte » (Dunford et al., 2004).
Egalement, une difficulté à la mise en œuvre de ces méthodes est le manque de connaissance scientifique sur les écosystèmes. Pour réparer et compenser, il est nécessaire d’avoir un état des lieux de l’écosystème avant l’impact, ce qui n’est pas toujours le cas.
Enfin, des problèmes se posent quant au choix de l’indicateur ou proxy. Choisir une seule ressource ou service peut poser des problèmes de représentativité des écosystèmes complexes, ce qui peut conduire notamment à une sur ou sous-estimation du projet de restauration.
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Application dans le domaine de l'eau
Pour une illustration de l’application des méthodes d’équivalences dans le cadre d’un dommage environnemental concerné par la LRE, voir « La loi responsabilité environnementale et ses méthodes d’équivalence – guide méthodologique », Collection « Références » du SEEIDD du CGDD, Ministère en charge de l’écologie, 2012, p. 50-88.