Ordinateur graphique et feuille de papier
© Lukas de Pexels
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La méthode
La méthode d’évaluation contingente considère que les individus sont sensibles à un changement environnemental, c’est-à-dire que tout changement entraîne une variation de bien-être. Le but de la méthode est de mettre une valeur monétaire sur cette variation de bien-être et donc d’estimer la valeur qu’associe un individu à un changement environnemental.
L’évaluation contingente repose sur un questionnaire présenté à un individu. Le questionnaire demande directement à l’interrogé combien il serait prêt à payer ou à recevoir, en cas de modification de la qualité de l’environnement, pour rester à un niveau de bien-être constant. Par exemple, combien il serait prêt à payer pour éviter la dégradation d’un service écosystémique ou augmenter sa prestation ou encore, combien il serait prêt à recevoir en échange de la perte de ce service.
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Valeur estimée des biens et services
La méthode d’évaluation contingente peut être utilisée pour l’évaluation de l’impact de projets fictifs n’ayant pas encore été mis en place. En revanche, elle n’est pas adaptée pour les biens et services environnementaux qui sont peu connus et peu visibles du grand public, comme par exemple pour les nappes d’eau souterraines.
Avec l’analyse conjointe, l’évaluation contingente est la seule méthode qui permet d’estimer la valeur de non usage de biens ou services non marchands. Lorsqu’on parle de valeur de non-usage, cela signifie qu’on attribue une valeur à l’existence d’un bien ou d’un service, sans en faire usage. Par exemple, une espèce endémique a de la valeur de par son existence même.
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Les différentes étapes de l'évaluation
Etape 1 - Élaboration du questionnaire
L’élaboration du questionnaire comporte plusieurs étapes.
- Il faut dans un premier temps identifier le changement environnemental étudié, déterminer la population concernée, le périmètre de l’évaluation, etc. Il faut ensuite déterminer le scénario hypothétique sur lequel l’individu sera interrogé et le mode d’enquête (téléphone, entretien, par internet,…).
- La deuxième étape consiste à rédiger le questionnaire. Le questionnaire doit donner des éléments informatifs sur la situation sans influencer la réponse de l’interrogé. Il faut par exemple faire attention aux informations choquantes, à la technicité des détails, au choix des photos et des chiffres annoncés. Pour limiter la fatigue (biais cognitif), il est préférable de varier les supports (photos, textes, vidéos…).
Enfin, il faut définir la méthode de déclaration du consentement à payer. La personne interrogée peut par exemple déclarer son consentement à payer en répondant à une question fermée (il choisit parmi plusieurs propositions ou dans un intervalle de valeurs) ou à une question ouverte (il déclare son consentement à payer librement, sans indication). On peut également lui demander de payer directement en liquide ou par carte bancaire ou lui proposer de payer via un impôt. Le paiement peut être proposé en une fois ou par échelonnement.
Etape 2 - Analyse statistique
Une fois les données récoltées, elles sont analysée de manière à déterminer le consentement à payer des individus. Puis, dans un deuxième temps, à identifier quelles variables (âge, revenu, proximité, …) influencent et expliquent leur consentement à payer.
Il est nécessaire de recueillir suffisamment de données pour pouvoir les exploiter et disposer d’un résultat significatif. Afin d’éviter tout biais de sélection, l’enquêteur doit, lors du choix des personnes interrogées, faire attention à la représentativité de l’échantillon.
L’analyse statistique est réalisée à partir de modèles économétriques (probit, logit, etc.).
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Les avantages et les inconvénients de la méthode
Avantages
La méthode de l’analyse conjointe permet d’évaluer à la fois les valeurs d’usage et de non usage de nombreux biens et services environnementaux. Elle fait partie des méthodes les plus utilisées pour la monétarisation des actifs et environnementaux.
Limites et biais
Le questionnaire doit être particulièrement bien rédigé, car il peut fortement influencer les consentements à payer qui seront déclarés par les interrogés : il doit être précis et crédible pour éviter tout biais hypothétique. En effet, les individus évaluent difficilement la valeur qu’ils donnent à l’environnement.
Le caractère hypothétique du questionnaire peut les inciter à surévaluer leur consentement à payer par rapport à une situation réelle. La difficulté de l’évaluation personnelle de leur consentement à payer est aussi à l’origine du biais d’inclusion. Les individus peuvent attribuer la même valeur à un bien environnemental particulier (par exemple un tronçon de rivière) et à un bien plus large (par exemple toutes les rivières du bassin versant, ou toutes les rivières du département).
Cette méthode comporte une multitude d’autres biais, liés pour la plupart au système de l’enquête :
- Par exemple, le biais stratégique. S’il anticipe l’utilisation que sera faite de sa réponse, l’individu peut mentir sur son consentement à payer dans le but d’influencer le résultat final de l’évaluation. C’est ce qu’on appelle également un comportement de passager clandestin.
- Le biais de conception, la rédaction du questionnaire peut influencer les réponses des individus. Par exemple, selon le type de paiement proposé à la fin du questionnaire, le consentement à payer déclaré par l’individu sera différent.
- Le biais d’ancrage, si le questionnaire propose des valeurs, les répondants s’appuieront sur ces dernières pour déterminer leur consentement à payer qui aurait pu en être très éloigné.
- Les biais de « yeah saying », la personne interrogée peut déclarer un consentement à payer plus élevé simplement pour faire plaisir à l’enquêteur.
- Le biais de perception, il est difficile d’estimer son consentement à payer pour des services environnementaux peu visibles ou peu connus.
Ces méthodes sont coûteuses à mettre en place à la fois en termes de temps et d’argent.
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Application dans le domaine de l'eau
Dans le cadre d’une analyse comparative, Beaumais et al. (2008) confrontent les bénéfices liés aux zones humides de l’estuaire de la Seine avec les bénéfices engendrés par la conversion de ces zones pour un usage industriel. Afin de déterminer les bénéfices retirés des zones humides, ils réalisent une évaluation contingente pour estimer le consentement à payer des individus pour la préservation de ces zones.
Pour cela ils ont élaboré un questionnaire en trois parties :
- la première pour mesurer le niveau de connaissance des habitants à propos des zones humides et leurs habitudes de fréquentation,
- la deuxième pour déterminer leur consentement à payer pour la préservation des zones humides,
- la troisième pour recueillir des informations socio-économiques sur les interrogés.
Les résultats
1. La connaissance des zones humides :
Seulement 40% des interrogés ont une notion de ce qu’est la biodiversité et 18% déclarent fréquenter/visiter des zones humides à des fins récréatives. En revanche, plus de 92% des individus se disent favorables ou très favorables à un programme de préservation de ces zones. Mais seuls 42% des interrogés seraient prêts à contribuer au financement de ce programme.
2. Le consentement à payer :
Cinq variables ont été identifiées comme ayant un effet significatif et positif sur le consentement à payer : l’éducation, l’âge, le fait de vouloir donner pour d’autres causes, de visiter les zones humides et d’habiter dans une grande ville.
Ainsi, un individu âgé de 26 à 55 ans donnerait en moyenne 24,43€ de plus pour la conservation des zones humides qu’un autre. Les agents habitant dans les grandes agglomérations verseraient 19,85€ de plus que les autres. Le fait d’avoir un niveau d’études supérieur à Bac + 2 augmenterait en moyenne le CAP de 35,15€.
Les résultats montrent également que les interviewés ayant l’intention de faire des dons pour d’autres causes humanitaires, donneraient en moyenne 64,05€ de plus que les personnes moins sensibles aux autres causes. Enfin, les personnes qui fréquentent les zones humides verseraient en moyenne 24,28€ de plus que les autres. »
Source : Olivier Beaumais et al., « Conservation versus conversion des zones humides : une analyse comparative appliquée à l'estuaire de la Seine », Revue d’Économie Régionale & Urbaine 2008/4 (novembre), p. 565-590. DOI 10.3917/reru.084.0565